Un vendredi de juin, comme Rimbaud, je fuguais…
Sur le quai bondé d’une gare de Lyon qui l’était tout autant, je tombe nez à nez avec l’écrivain Tesson. Les regards se croisent mais je n’aurai pas le temps de lui adresser un « quelconque » mot. L’homme aux semelles de vent file vers une nouvelle expédition.
Moi je fugue… vers les perspectives montagneuses.
Cette fois, je me déleste de la solitude vagabonde. Quelques semaines auparavant, je conviais ma sœur Hélène à s’aventurer en ma compagnie. Nous partirons marcher autour des rochers des Fiz dans le massif du Giffre, splendide balcon sur son voisin Mont Blanc.
Nous prenons chemin le dimanche matin. Les sacs chargés sur le dos, nous empruntons les pistes de ski dénudées pour atteindre les Chalets d’Ayères. D’ici, je peux éclairer ma sœur sur notre étape du jour : le col d’Anterne à 2257 mètres puis la descente vers le lac et le vallon du même nom. Le soleil est présent, le ciel azur des premières heures moutonnent, une auréole se forme au-dessus du sage Mont Blanc.
Au milieu de la matinée, nous faisons halte au refuge de Moëde Anterne où je retrouve Ash, guide népalais, restaurateur de saison alpine, rencontré en juillet dernier lors de la première partie de ma Grand Traversée des Alpes sur le mythique GR5. Grâce à Ash, vous pourrez trouver ici des drapeaux de prières tibétains. Il s’agit des drapeaux que vous voyez habituellement aux passages des cols, aux sommets ou sur les toits des maisons et des temples. Ils sont nuancés des cinq couleurs de la vie et du boudhisme : le bleu (l’espace), le blanc (l’air), le rouge (le feu), le vert (l’eau) et le jaune (la terre). On raconte que le bruit des drapeaux au vent est comparable au bruit des sabots du cheval du vent ‘Lungta’ qui galope dans le ciel. Les prières transcrites sur ces tissus sont transmises aux divinités ainsi qu’à chaque individu présent sur leurs chemins et les enveloppent de bonheur, d’harmonie et de vie paisible.
Bercées par les oraisons des hauts sommets népalais, nous reprenons le sentier et débutons la montée jusqu’au col. Je suis une fois de plus touchée par le dynamise de ma soeur qui n’a eu guère coutume de randonner sur de longues distances. Elle se hisse sereinement sans maux ni plainte. J’attends son arrivée au col pour lui faire découvrir le versant nord presque intégralement recouvert de blanc. Rien n’arrête ma camarade qui part en tête sur la trace.
Arrivées sur les rives du lac d’Anterne (2063 m), nous nous délectons de quelques vivres. Puis nous nous hasardons à nous immerger dans les eaux d’origine glaciaires et bien évidemment glacées. L’essai n’étant pas totalement marqué et le temps se gâtant, nous avons maintenant un peu plus hâte de gagner en quelques heures la chaleur de notre refuge. Ce dernier fait référence à un magistrat britannique, Alfred Wills, alpiniste chevronné et amoureux de la région. Le gîte est gardé depuis deux décennies par Bruno Pezet qui passera la main en 2024.
Le lendemain matin, nous partons en direction de la pointe de Sales que nous contournerons dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Je propose à ma soeur de redescendre un peu afin de profiter d’un moment devant la cascade la pleureuse. D’ici nous évoluerons, pour la journée, sur le GR96 qui relie le massif du Giffre au massif des Bauges. Sous-bois, torrents, autres cascades et chamois rythment l’itinéraire en lacets jusqu’au très beau vallon de Sales et ses chalets, vestiges d’une ancienne vie pastorale. Après le passage d’une chapelle, nous atteignons le refuge de la famille Mogenier et nous pouvons profiter d’un déjeuner chaud. L’après-midi est remplie par un aller-retour aux pieds de la Pointe de Sales qui offre un splendide balcon sur le Haut-Giffre. La neige est bien présente ici aussi sur les hauteurs. Temps de repos et délicieuse fondue savoyarde.
Le lendemain matin est l’aube de notre dernier jour. Nous traversons la verte plaine du Grand Pré. Aux confins de ce cirque d’altitude, la neige refait son apparition et le sentier est blotti sous l’abondante couche blanche. Il est temps de chausser les crampons pour évoluer dans le désert de Platé. Nous devons nos quelques repères au tracé enregistré, à ma balise GPS et à quelques rares signalétiques éclos de la fonte. Nous tentons d’abord une approche du passage du Dérochoir mais je le sais technique et je n’envisage pas d’y emmener ma soeur sur sa descente dans ses conditions aléatoires. Demi-tour direction le col de la Portette sous la pointe du Platé. À mi-chemin, je me perds sûrement dans mes réflexions et je décroche subitement en compagnie d’un névé instable sur 50 mètres de petites rocailles. Je tentais justement d’enseigner les termes dévisser et décrocher en montagne. Voilà une démonstration parfaitement illustrée qui vaut à Hélène une belle frayeur et à mon définitif ‘côté gauche’ des bleus et écorchures. Je remonte la pente mais je sens que j’ai perdu confiance et moyens. Ma grande soeur prend alors le commandement et tente de me rassurer. En vain, je plante les bâtons à 50 mètres du col et nous décidons d’opérer un demi-tour pour cette fois. Il est important de savoir renoncer en montagne comme ailleurs.
Je m’étais promis de revenir marcher à Anterne, un rêve de montagne, de nature et d’espace que j’ai pu découvrir lors de la première partie de ma Grande Traversée des Apes GTA sur le GR5. Je reviendrai affronter définitivement le Dérochoir et le col de la Portette…
les étapes et les hébergements
1. Plaine Joux – Refuge Alfred Wills 💚
2. Refuge Alfred Wills – Refuge de Sales 💚
3. Refuge de Sales – Col de la Portette – Sixt Fer à Cheval
Qui m’équipe pour mes aventures ? Espace Montagne – Rouen
Qui me fournit une trousse complète de secours ? La Pharmacie des Pommiers – Cambremer