J’ai entamé ce sentier à l’été 2022, un an plus tard, me voilà repartie
sur l’onirique Grand Traversée des Alpes, direction le sud méditerranéen et Menton.
Depuis Modane, je tends les bras à 18 jours de marche en solitaire.
Un peu moins de 400 km à travers la Maurienne, le Queyras,
l’Ubaye et les merveilles du Mercantour.
Lundi 31 juillet, je descendais en fin d’après-midi sur le quai de Modane, d’un train héritier de la diligence transalpine qui reliait autrefois la France au royaume Sarde. La cité savoyarde, jadis Piémontaise et haut lieu de migration, sera le point de départ de mon exode estival sur les sentiers de la Grande Traversée de Alpes, initiée l’été 2022 depuis le lac Léman. Je délaisse Modane immédiatement et me dirige vers la station de Valfréjus, m’épargnant ainsi une première étape longue et ascendante en direction du Thabor. Je veux surtout quitter le fourmillement humain et rejoindre au plus vite le chemin du petit bonheur.
Je redémarre peu après le lever du soleil, laissant derrière moi le dénivelé bitumeux pour celui nuancé du minéral rocheux et de la flore des estives.
Comme chaque premier jour au long cours, mon corps se mire dans un éloge de la lenteur. Mon esprit, quant à lui, vagabonde. Ni l’un ni l’autre ne semblent appliqués à l’aube de plusieurs jours de marche solitaire.
Proche du Thabor, j’entame une conversation enthousiaste avec un troupeau de tarines et d’abondances. Nous respectons chacune notre passage, elles, fières de leurs carrons, vers d’autres prairies, moi, ornée de mon paquetage, vers le sud. La météo est finalement clémente et je n’essuie que quelques « farines de pluies » selon l’expression d’un gardien de refuge de la traversée de l’île de la Réunion en octobre 2022.
Passé le col, je bascule dans la Vallée Étroite. Dès lors, l’accent des quelques randonneurs croisés se fait plus chantant et se teinte de consonances italiennes. Je passe la nuit aux Granges et partage une polenta à Terzo Alpini.
Le lendemain, je quitte la belle vallée dominée par le chaînon des Rois Mages « I Re Magi », et sous le regard des pointes Balthazar, Melchior et Gaspard.
Depuis le lac Chavillon jusqu’au col des Thures, je traverse un grand plateau baigné par les rayons du soleil levant et balayé par la brise montante. Le passage du col procure l’abri de la forêt de la Clarée et de ses captivantes colonnes géologiques, certaines encore résistantes à l’érosion, les Demoiselles. J’emprunte le sentier de ces dernières, Camino delle Fate, les cheminées de fées, suivant ensuite la rivière du Roubion jusqu’au village du même nom.
Ma halte du jour devait se faire à Plampinet mais l’idée de ne pas accoster si prématurément dans ma journée a déjà germé depuis hier. Il est surtout question d’un dilemme ; en demeurer ici m’infligerait une éprouvante étape suivante mais aussi et surtout un passage motorisé. Or je suis habitée par la volonté de marcher jusqu’à Menton. Je décide donc de prolonger jusqu’à Montgenèvre. Le vent sur les crêtes s’étant fortement renforcé, à la vieille méthode de l’IGN, je reste, dans la vallée, sur les bords de la Clarée, rivière de la belle pêche à la mouche et aux faux airs des cours d’eau de Patagonie. Longue fut la marche aujourd’hui et je suis exténuée à l’arrivée mais satisfaite de pouvoir traverser à pied le jour suivant jusqu’à Villard Saint Pancrace, par la Durance et la cité Vauban de Briançon.
Au départ de Villard Saint Pancrace, je marche le long d’une route forestière sans grand intérêt mais qui me permet de faire un point sur mes premiers jours de marche. Je me rends compte que je ne suis pas grandement à l’aise depuis mon départ. Il faut d’abord essuyer les douleurs des kilomètres initiaux, se soumettre aux questionnements et enfin soustraire de sa mémoire quelques souvenirs néfastes. Néfastes car ils peuvent inconsciemment vous tourmenter au cours de prochains trajets. Et je ne pensais pas que ma chute de juin dans le massif des Fiz allait me talonner ici, plus au sud. Je suis partie les jambes faibles et quelque peu anxieuses. Mais par les chalets des Ayes, le col du même nom et parallèlement à l’Izoard, je vais ensuite m’engager dans la nature préservée du Queyras qui va me permettre de me redresser. On dit ici que les forêts de mélèzes et de pins Cembro sont propices à la rêverie et je les traverse au petit matin pour gagner le lac de Roue. Il est aussi question de fées et de légendes sur les bords de cet ancien marais. Cette étape passe ensuite par la cité médiévale de Château Queyras, à sa sortie la montée est continue jusqu’aux sentiers d’alpages fleuris et aux affleurements géologiques qui mène au col Fromage. En fin d’après-midi, j’arrive au charmant village de Ceillac, témoin des crues du Cristillan. Le givre est présent le lendemain matin au départ vers les lacs miroir et Saint Anne. Je suis éblouie et je ne me lasserai pas des paysages rencontrés dans ce parc naturel régional.
Sites du Parc naturel du Queyras et de l’Office de tourisme du Queyras
Par le col Girardin (2699m), je bascule désormais dans la haute vallée de l’Ubaye jouxtant la frontière italienne et territoire des loups. La descente est raide et débouche sur Maljasset. Niché à 1905 mètres d’altitude, ce hameau fait partie des habitats les plus hauts d’Europe. Le refuge, ancienne ferme aux salles voûtées et au toit de lauzes, est maintenant un espace chaleureux du club des chasseurs alpins. On y croise randonneurs, alpinistes et bergers. Ces derniers content, à la nuit tombante, leurs rencontres avec l’animal, bien présent ces jours-ci. Tantôt décrié tantôt encensé, le cani lupus ne laisse pas indifférent ; il déchaîne et passionne l’humain.
L’étape suivante est courte jusqu’à Fouillouse et permet de se reposer au pied du massif du Chambeyron. Mi-lune, le vent du nord semble être enfin tombé mais les débuts de marche au lever du soleil demeurent frais et il faut attendre les premiers rayons de l’astre du jour pour se réchauffer.
Au refuge de Larche, je récupère un colis de ravitaillement avec repas lyophilisés, barres de spiruline Akal Food, savon artisanal Les savons d’Achille et vêtements propres. L’office de tourisme du village est aussi le bureau de poste et il récupère le colis à retourner. Depuis Larche, je me présente aux portes du sublime Mercantour qui par l’intervention de l’homme est protégé de ce dernier. Dès lors, les étapes s’étendront et les haltes du soir seront salvatrices, la chaleur du grand sud se mêlant à l’aventure.
À la veille du 15 Août et de la procession de la Madone de Fenestre , je virevoltais donc au Nord Est pour remonter à la conquête des profondeurs du Mercantour. L’étape du jour m’emmenait à la confluence du Boréon et de la Vésubie qui portent encore les ternes stigmates de la tempête Alex (2020). Pour quelques jours, j’allais devoir affronter la complexité rocheuse du massif d’Argentera, évoluer dans les pierriers austères et les pas rigides. Un temps dépourvue de confiance et d’aplomb, l’abandon me guette avant la vallée des Merveilles mais cette dernière me rend, par un chemin de traverse, mes sens qui s’étaient dérobés un instant. Je reprends la trace du Sud à travers les lacs d’émeraude et de saphir qui font miroir avec le ciel.
La mer apparaît pour la première fois au passage du pas du Diable, les cols perdent en altitude et les cimes deviennent lointaines. Je pressens la proximité de la fin. Là-haut, depuis les crêtes reverdies, enveloppée dans une brise tiède d’été, je me retourne et contemple une dernière fois le chemin avant qu’il ne se voile.
La descente des deux derniers jours se poursuivra avec une autre maquisarde si chère à mon cœur, ma soeur…. Elle guidera mes derniers pas vers la Méditerranée tandis que mon frère aura largué mes amarres depuis le Lac Léman.
Ce 18 août, je touchais enfin la Riviera azuréenne après 18 jours et 368 kilomètres de marche solitaire, depuis Modane, sous la lune décroissante. Je clos la deuxième et finale partie de ma Grande Traversée des Alpes. Deux exodes estivaux pour croiser l’onirique GR5 et le coupler au minéral GR52 du Mercantour, avec l’appui d’une puissante cordée de famille et d’amis.
Je m’en retourne à ma belle cité normande de Cambremer et mon doux camp de base….
Retour en train de nuit, par la ligne Nice-Paris Austerlitz
Guide complet de l’aventure en train de nuit du média Les Others
puis Gare Saint Lazare – Lisieux
Site Sncf
les étapes et les hébergements
1. Modane – Valfréjus – Terzo Alpini Refuge Terzo Alpini 💚
2. Terzo Alpini – Montgenèvre
3. Montgenèvre – Villard Saint Pancrace
4. Villard Saint Pancrace – Arvieux
5. Arvieux – Ceillac
6. Ceillac – Maljasset Refuge de Maljasset 💚
7. Maljasset – Fouillouse
8. Fouillouse – Larche Refuge de Larche 💚
9. Larche – Bousieyas Gîte de Bousieyas 💚
10. Bousieyas – Roya Refuge Ma Vieille Ecole 💚
11. Roya – Roure Refuge de Longon 💚
12. Roure – Saint Dalmas Valdeblore Gîte Les Marmottes 💚
13. Saint Dalmas Valdeblore – Le Boréon
14. Le Boréon – Refuge de Nice
15. Refuge de Nice – Refuge des Merveilles
16. Refuge des Merveilles – Camp d’Argent L’estive du Mercantour 💚
17. Camp d’Argent – Sospel
18. Sospel – Castellar – Menton
Qui m’équipe pour mes aventures ? Espace Montagne – Rouen
Qui me fournit une trousse complète de secours ? La Pharmacie des Pommiers – Cambremer