Retour sur quatre jours de déconnexion en terre andalouse, dans le parc naturel de Cabo De Gata, 63 kilomètres de côtes volcaniques bordées par la mer d’Alboran. Laissant au nord les cieux rosés de l’automne augeron, je plonge dans le céleste et la luminosité des contrées désertiques du sud de l’Espagne.
En 2010, le New York Times qualifiait Cabo de Gata de paradis de l’Europe. Les New-Yorkais se plaisent à dire “Si ce n’est pas dans le New York Times, ce n’est pas vrai.”
On peut une nouvelle fois faire confiance aux dires objectifs de la vieille dame grise “The Gray Lady”, non pas moi… “The Gray Lady” est le surnom du New York Times.
Cependant accordez-moi également la vôtre, votre confiance.
J’ose espérer que mon modeste récit saura vous convaincre de venir à la rencontre des espaces et des nuances de Cabo de Gata.
À mi-chemin entre les villes de Malaga et Alicante, j’atterris à la première par le vol matinal d’Air France en provenance de Paris Roissy. En ce mois d’octobre, je suis en adéquation avec les objectifs de mon bilan carbone annuel.
Je me mets immédiatement en route, en direction d’Almeria.
Je délaisse la solitude soporifique de l’autoroute pour rouler en compagnie du sentiment de découverte du voyageur et de l’euphorie qu’elle sait lui procurer.
La différence est éblouissante.
J’ai quitté au petit matin le vert humide des prairies fournies pour rejoindre l’ocre sec des planchers arides.
L’alliance est saisissante.
La palette de nuances terracotta ne s’effarouche pas de la blancheur des maisons andalouses. Au contraire, le lien se tisse.
Celui-là qui unit aussi le bleu du ciel au grand bleu de la mer.
Les nuages se sont ancrés sur la Sierra et la Méditerranée se dévoile, placide en ce jour. Les courbes routières sont parallèles aux sillons marins.
La végétation en terrasse offre des balcons qui laissent imaginer, là-bas, au loin, de l’autre côté, les portes d’un autre continent.
Ici, de grands blancs sont venus réchauffer et tanner leurs dermes pâles dans les atmosphères chaudes du rivage espagnol.
Là-bas, au loin, d’autres grands blancs aux écailles grises sont immergés dans les profondeurs froides du large.
Et puis de l’autre côté, elle est là, la grande Afrique et sa palette nuancée d’épiderme humains.
Mon allégresse s’appauvrit aux abords d’Almeria.
Avant de pénétrer dans le parc naturel, vous serez dans la triste obligation de traverser de vastes espaces entièrement recouverts de plastiques. Ceux-là même qui permettent la culture des fruits et légumes de nos marchés estivaux mais qui viennent inonder nos étals hivernaux. Voilà pourquoi il est essentiel de réfléchir ensemble à nos usages et nos consommations.
La culture exponentielle, nécessiteuse d’eau est discordante avec la rareté de cette dernière. Renforçant l’assèchement, le vent bien présent fait aussi des ravages dans la dissémination des morceaux de plastiques.
Dans la création de contenu, on ne pas toujours parler de ce qui est beau mais on doit aussi parler ce qui existe. Et c’est là aussi les différents buts du voyage : relater, rapporter, informer. Voilà c’était mon habituel quart d’heure (…), appelez-le comme il vous conviendra mais méditez quand même un peu dessus, même si cela vous prend moins d’un quart d’heure…
Revenons sur le chemin…. Concentrons-nous sur l’arrivée au sein de Cabo de Gata.
Encore une fois, tout bascule. On entre ici dans un parc naturel, espace protégé, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Je suis immédiatement fascinée, enthousiasmée à la vue des espaces.
Je pose mon sac dans la maison d’Elisabeth et Jürgen, deux reporters britanniques de la BBC, résidents espagnols à leurs heures et qui me louent leur maison pour quelques jours ici. Cette dernière a été parfaitement rénovée en accord avec l’architecture du sud. Murs blancs, immaculés, fenêtres bleues, espaces. À l’intérieur, mes hôtes ont personnalisé l’habitat d’objets et de lectures chinés aux quatre coins du monde.
L’idéal villégiature.
J’aime l’idée de séjourner chez l’habitant, de partager une maison avec des locaux ou ceux qui y sont de façon transitoire. Cela permet une intégration naturelle avec la destination. Par exemple, vous devrez ainsi faire l’effort (mais en est-ce vraiment un) de naviguer sur zone, de glaner des victuailles sur des marchés ou dans de belles épiceries locales, cuisiner avec la production relative à votre environnement. C’est un échange qui se crée ainsi spontanément.
Ma première belle découverte dans le parc de Cabo de Gata sera la playa de Monsul, dans l’accès se fait par le village de San José puis par une piste. C’est toujours l’aventure de rouler sur une piste, que ce soit ici ou à l’autre bout de ce monde.
Monsul est une grande plage, célèbre pour être le lieu de plusieurs tournages cinématographiques.
Quelques visiteurs sont assis face à cette bande de sable volcanique de 300 mètres de long. Derrière une immense dune sableuse, devant un colossal rocher érodé.
Sur le retour, je m’interromps et je laisse la place à un troupeau de chèvres blanches. Et là, brusquement, ma mémoire visuelle m’apostrophe. Le rouge terracotta de la piste, le ciel bordant le soleil couchant…
Je suis plongée dans la nostalgie heureuse de mes souvenirs argentins, des couleurs semblables lorsque nous revenions, mon ami Christophe et moi, de notre lointaine escapade sur la peninsule Valdés, en Argentine (article à venir).
Ici, aussi, il est question d’une portion de terre, de nature retirée. Il manquera juste à cet instant photographique l’image des manchots de Magellan ou de la danse guerrière des orques. Les chèvres feront office de guanacos.
Le lendemain, les fortes bourrasques se sont invitées à balayer ma journée.
Direction le village de pêcheurs Cabo de Gata, à l’entrée sud-ouest du parc.
Nous en parlions quelques lignes au-dessus. Ici, le samedi matin, se tient un petit marché où vous pourrez trouver fruits et légumes de soleil mais aussi olives et épices ainsi que poisson fraichement débarqué des bateaux. Peu de choix de ce côté-là ce matin en raison de la tempête.
De Cabo de Gata, je roule sur une belle goudronnée entre la mer démontée à droite, et les salines brumeuses à gauche, lieu de migration de robustes flamants roses.
C’est la direction d’un autre très beau point de vue du parc, l’Arrecife de las Sirenas.
Sur le parking, une vieille camionnette blanche est garée. C’est celle d’Oscar et de Sandra, idéalement située et qui a ouvert sa porte pour faire découvrir aux visiteurs leur artisanat à base de roches… volcaniques évidemment.
D’un extrême à l’autre, je me rends ensuite au point est du parc, avec en fond sonore, les ballades de Joaquin Sabina, auteur-compositeur et poète espagnol, découvert grâce à une groupie d’outre-atlantique, tenancière d’une terrasse d’un café à Aluminé, aux confins de la Patagonie.
Ici aussi, c’est une vaste étendue nommé cale de Los Muertos. Malheureusement, c’est aussi la sortie orientale de Cabo De Gata, ne tournez pas la tête à gauche, vous serez confronté à un brusque retour à la réalité des ports commerciaux, lieux de va-et-vient de ronflants cargos.
Le ciel et son azur auront été immaculés tout au long de cette journée. J’ai du mal à imaginer qu’une sombre dépression va accoster… Je m’arrête au retour dans le village de Rodalquilar afin de me ravitailler avant de me mettre à l’abri pour les prrochaines 24 heures. J’avais en tête une épicerie dénichée dans mes documentations, La Tiendecilla. La haute saison a tiré sa révérence, le rideau est baissé.
C’est face à elle que je trouverais mon bonheur gustatif, à la Despensia, une petite échoppe goulument remplie, de quoi me préparer un bon riz à l’espagnol saupoudré de coriandre.
La tempête fera rage pour le jour et les deux nuits à venir. La puissance des rafales est impressionnante. Les pluies sont torrentielles. Je ne quitterai mon frémissant logis qu’à de rares occasions ces prochaines heures. Alors pourquoi ne pas se nicher en intérieur ce dimanche, vibrer aux sons du grand compositeur, Maurice Jarre, et son incontournable Laurence d’Arabie, autre tournage local.
Sous un calme précaire, entre les yeux de deux gouttes froides (terme météorologique très actuel), je pars pour une longue marche depuis le village de Las Negras en quête de la Calle San Pedro, accessible uniquement à pied par l’intérieur de la Sierra et aux bords des corniches. (Bonnes chaussures obligatoires).
Celle-ci est le refuge, depuis plusieurs années, d’une communauté hippie. Vous croiserez les autochtones sur le chemin, ramenant la totalité de leurs déchets en ville.
Les habitations disséminées vont de la simple tente à la construction plus robuste en passant par des pénates dignes du conte des trois petits cochons : mur de terre montés en hâte, toit de palme. Il semble cependant régner une forme d’organisation sociétale mais à l’image de leur utopie, que l’on peut entendre à certains égards. Cet endroit me plonge dans une autre œuvre cinématographique : The Beach d’Alex Garland adapté pour le grand écran par Danny Boyle.
Nouveau passage au charmant et paisible Rodalquillar. Dans la ruelle principale, chaque façade de maison est le support d’un artiste local.
Il est temps d’un arrêt goûter à El Gallinero de Pedro, foodtruck à la carte alléchante installé dans un jardin oasis.
Dernière grande marche sauvage et aventureuse depuis la playa de Los Genoveses vers Monsul. Cette partie du parc est véritablement majestueuse et restera une de mes favorites.
Retour à la maison d’Elisabeth et Jürgen, j’avais initialement prévu de me rendre aux environs de Valence. A l’étude des cumuls de pluie du jour suivant, je déciderai de terminer mon séjour espagnol ici. Mais aurait-on pu imaginer cette cruelle dévastation ? Ici aussi, la goutte froide passera et repassera mais avec un bilan humain quasi nul…
C’est à l’aube d’une magnifique journée automnale que je termine ma visite ici, à Cabo de Gata, profitant d’une baignade au lever du soleil sur la plage de La Isleta et d’une visite du joli village d’Agua Amarga, accueillant un restaurant recommandé du guide Michelin.
Ce parc est probablement un des seuls espaces méditerranéens resté vierge et c’est un véritable coup de cœur.
Si vous êtes comme moi, à l’affût d’espaces et de quiétude hors des sentiers battus, vous trouverez ici votre bonheur sans traverser un océan. Vous pourrez vous y rendre à l’automne ou au printemps, et même en hiver. Outre la possibilité de location de voiture pour se déplacer, il est aussi possible à ces périodes, et j’aime à l’imaginer, de parcourir le parc à pied, sur le GR 92 ou à vélo, mollets affûtés, sur l’Eurovélo 8, route méditerranéenne (lien Eurovelo)
L’été doit être chaud et sûrement bien plus rempli touristiquement.
À la lecture de cet article ou en fermant les yeux, imaginant cette terre andalouse, je vous conseille l’écoute du dernier opus (et même des autres) du groupe instrumental Hermanos Guttiérez, composé de deux frères équatoriens-suisses, joueurs de guitare au rythmes cosmiques. J’apprécie particulièrement Low Sun.
En Cabo de Gata, tu vida, tus aventuras.
les bonnes adresses
Artisanat Oscar Aguilella, Cabo de Gata 💚
Artisanat Sandra Plaza Gimenez, Cabo de Gata 💚
Épicerie La Despensa, Rodalquilar 💚
Épicerie La Tiendecilla, Rodalquilar
Restaurant El Gallonero de Pedro, Rodalquilar 💚
Jardin Botanico, Rodalquilar 💚
Boutique El Rincòn de Zaratustra, Rodalquilar
Restaurant La Villa, Agua Amarga
Site du parc naturel de Cabo de Gata 💚




















































