Me voilà re partie pour le Mexique. Après deux passages, d’abord enfant dans le Yucatan encore désert à cette époque puis adulte en 2021 avec une traversée en solitaire de l’état du Chiapas. Je m’envole ce 29 novembre pour un mois avec un programme qui va se chambouler au fur et à mesure…
Mercredi 29 novembre, hall 2E de Roissy Charles de Gaulle, dernier appel à mon fils Raphael avant d’embarquer… nous plaisantons d’un simple mal de gorge et de l’oubli d’une médication apaisante. C’est parti pour de longues heures d’un vol de jour direction la mégalopole de Mexico city.
A mon arrivée, je file dans le quartier historique de Coyoacan pour ma nuit. Une amusante nuitée soumise au syndrome du changement de fuseau horaire. Je m’endors profondément puis me réveille, guettant les doux sons des cloches de l’église de mon village… On ne rompt pas aisément avec le cadre apaisant de notre routine quotidienne. Je finis par replonger et me réveille à 6h heure locale comme à mon habitude. Deuxième réveil et premier petit déjeuner composé d’un succulent pain perdu, de fruits et de thé chaï à la terrasse bohème de la bâtisse du café Carmelina.
Le lendemain matin, je reprenais les airs vers la côte pacifique de l’état de Oaxaca. J’observe les neiges tombées sur l’Iztaccíhuatl, 2ème sommet dont l’ascension est prévue la semaine suivante. La sera-t-elle ? Je l’espère. Quelques jours auparavant, les autorités ont fermé l’accès des 3 sites du programme de mes paliers d’altitude en raison des intempéries et du grand froid. Je surveille ma gorge et je garde le contact avec mes guides avec l’objectif final du Pico de Orizaba. Le Mexique n’est pas qu’une destination de farniente pour de nombreux touristes avares de plages de sable brûlant bordées de palmiers et jonchées de gargantuesques édifices hôteliers. Soyez certain qu’il est tout autre.
Arrivée sur la côte pacifique… Un ancien coucou sur le tarmac de Puerto Escondido rappelle le colonialisme américain de cet endroit autrefois isolé du début du 20ème siécle. Ainsi sommes nous tous à l’affût du paradis perdu ou du port caché « puerto escondido » comme le décrivait à l’époque la légende du pirate Andrés Drake.
Historique petit port de commerce du café, village de pêcheurs et spot de surf à la réputation mondiale, reconverti aussi aujourd’hui en plateau de soirées aux sons dénoués de musicalité depuis le confinement européen. Mais on est encore loin ici des excés capitalistes du Yucatan contemporain. Le trajet était néanmoins rempli d’une certaine jeunesse. Cette dernière est sans doute venue s’enivrer de tout breuvage et de toute substance chimique qui lui feront atteindre des états de plaisir artificiel sans lendemain. Cette jeunesse ne mesure certainement pas la faune et la flore exceptionnelles qui occupent ces lieux.
Chère jeunesse, où que vous soyez, observez, contemplez la nature forte encore parfois et heureusement préservée qui vous entoure. Là est le dessein et l’écoute qui vous procureront le plaisir vierge.
Je descends un peu plus au sud au calme profond, sous les vents chauds et aux sons du puissant océan, dans une cabane rustique au bord de ce dernier, sur une partie encore vierge du littoral portant symboliquement le nom de Tierra Blanca. Le lieu est parfait pour l’exploration et l’observation de la faune recherchée.
Je veux contempler le coucher du soleil et le lever de ce dernier sur les montagnes de l’état de Oaxaca, espérer le passage des baleines et considérer le ballet des tortues et des crabes.
Au réveil, partie marcher le long de l’océan, j’ai la chance de pouvoir admirer le vol nourricier des pélicans bruns. Je continue mes lectures. Il est un peu plus de 16h cet après-midi lorsque mon œil se détourne des lignes de mon livre, comme attiré inéluctablement par l’horizon marin. Elles sont là… expirant avec douceur et profondeur, les baleines, juste devant au large. Quel spectacle ! Voilà où est le luxe du voyageur, c’est la beauté.
Ma gorge devenant de plus en plus douloureuse, je décide de me rendre au dispensaire le plus proche, refusant une piqûre d’une molécule qui m’est inconnue, je repars avec une ordonnance et quelques boîtes issues de laboratoires notoires mais que je n’ouvrirai pas préférant laisser mon corps se défendre lui-même…
Retour à Mexico city… mon corps ne se défend pas du tout, les différences d’altitude et de pression l’ont affaibli. L’infection gagne les sinus et mon nez se congestionne entièrement. De mauvaise augure pour mon programme d’altitude… Je décide néanmoins de rejoindre mes guides pour la réunion d’expédition et sous leurs regards inquiets, je les assure que tout va bien se dérouler.
La haute altitude de la cordillère des Andes l’année précédente s’était déroulée parfaitement, évidemment je n’étais pas atteinte physiquement…
Je tente la première ascension, le Nevado de Toluca, une formalité à 4600 mètres… Le vent est déjà fort là-haut. Je stoppe à 4400 mètres, terrassée par mes propres oreilles. Je redescends au plus vite. Nouveau constat : nez et oreilles congestionnés ++++, je suis presque sourde. Retour à Mexico city, le moral est au plus bas. Pour tenter de récupérer et de gravir le Pico de Orizaba en fin de semaine, je décide de faire l’impasse sur les neiges de l’Iztaccihuatl, montagne princesse de la mythologie aztèque morte de chagrin à la simple pensée de la perte du guerrier Popocatepetl, finalement vivant, crachant lui-même tout son feu de tristesse et de désespoir dans son activité volcanique.
Je saisis l’opportunité de prendre connaissance de la mégalopole hispanique, arpentant la longue Avenida Paseo de la Reforma et les allées du vaste parc Chapultepec, partageant ma solitude désirée avec les écureuils, m’instruisant de plusieurs musées, me laissant aller à flâner dans les ruelles du quartier de la Roma, terminant mes après-midi avec un repas chez YUG, historique restaurant végétarien puis profitant de longues heures de sommeil.
Je prends la route le samedi suivant avec deux guides direction le refuge du Pico de Orizaba. Bivouac à même le sol, quelques chips et quelques pâtes, courte nuit et départ à 1 heure du matin…. J’abdiquerai aux premières lueurs du jour, dans un pierrier vertical, mon véritable ennemi montagnard. Je ne suis pas ce jour en pleine possession de mes moyens physiques et mentaux. L’altitude et la montagne ne pardonne pas l’insuffisance. Périple après périple, j’ai fini par m’éduquer à consentir au renoncement par nécessité de prudence et de protection.
Est-ce l’imprévu ou le destin ? …. J’avais si minutieusement préparé et programmé trois ascensions, je ne dois en inscrire aucune à mon tableau pour cette fois. Il est bien vain de penser que tout événement découle irréfutablement de notre volonté.
Retour une dernière fois à Mexico city pour récupérer encore et profiter quelques jours du quartier bohème de Coyoacan, pêle-mêle d’artistes et d’intellectuels, lieux de vies des peintres Frida Khalo et Diego Rivera. J’arpente les rues et ruelles, La Navidad se prépare ainsi que la traditionnelle fête en l’honneur de La Vierge de Guadalupe qui reste le signe de ralliement du peuple mexicain, le symbole de la revanche de l’indigène sur l’Espagnol et la garantie d’une continuité entre les cultures préhispaniques et hispanophones.
Tierra Blanca, Mexico city, Toluca, Orizaba, Coyoacàn… ont été de véritables expériences. Et me voilà arrivée mi-décembre à la moitié de cette nouvelle incursion mexicaine, dans la capitale culturelle du Chiapas, San Cristobal de Las Casas.
Mon inconsolable rhume déclare forfait face à 17 heures de bus et m’oblige à un transport aérien. Comme lors de mon arrivée sur le tarmac de Tuxtla Giuterrez en 2021, tout va très vite. Il n’est nul renoncement ici. Sacs sur le toit d’un bus en partance pour San Cristobal et en route chica !
Précédemment habituée des nombreux barrages de l’armée et de la police dans cette partie du pays, je ne m’imagine pas encore la nouvelle interprétation de leurs présences. Le bus prend de la hauteur, gagnant petit à petit, la brume, cette brume mystique et particulière du Chiapas. Celle-là même qui materne la nature ici présente ou qui vous projette caché du monde contemporain.
Débarquée de mon collectivo, je traverse la cité, sac sur le dos et je suis accueillie dans ma casita, chaleureuse petite annexe d’une demeure historique et artistique. Je resterai nichée durant deux semaines, au coeur des montagnes, à 2200 mètres d’altitude et à quelques heures de la frontière du Guatemala.
Lors de cette parenthèse, voyageuse habituée de l’Amérique latine, j’ai prévu de m’immerger et de consolider mes notions linguistiques. Je prends contact avec une école de San Cristobal enseignant l’anglais aux populations locales mais aussi l’espagnol à celles de passage. Mes deux professeurs seront Rosalia, une étudiante en sociologie de l’université de Mexico city, assistante de recherche ici sur les migrations et les religions, et Paco, autochtone, d’origine indigène, des montagnes du Chiapas. Deux univers et parcours différents. Deux cultures et deux croyances différentes. L’enrichissement humain et intellectuel par la différence est continuellement présente grâce à la mosaïque ethnique de la région. Par la discussion, il n’est à ne jamais perdre de vue dans les contrées qui sont les nôtres.
Je prends mes marques. Je m’attache à une humble routine constituée de mes matinées de cours, de mes devoirs d’écolière, de mes promenades parmi les tisseurs de laine des communautés tzotziles, d’un monument à l’autre, d’une église du bas vers celle du haut, terminant mes après-midi dans les étals de fruits et légumes ou dans mon habituelle échoppe végétarienne de la Casa Del Pan avant de passer mes soirées au coin d’un feu en compagnie de mes lectures et de Marcelo, le chat de la maison qui semble m’avoir adopté.
Ce portrait pourrait semblait idyllique pour le voyageur dont certaines régions du monde marquent les pas. Le Chiapas fait partie de ces régions qui croisent un jour vos vies et vous transportent. Ce territoire est un lieu de révolte et de renaissance. Ou fut-il…. Je m’interroge aujourd’hui avec tristesse face aux événements qui perdurent depuis un an, face à la gangrène des gangs, des narco trafiquants et de la corruption auparavant inexistants. Le Chiapas lutte aujourd’hui contre une extrême violence. Lui-même qui a lutté dans les années 90 en faveur de la nature et de ses acteurs se retrouve aujourd’hui face à la monstruosité de l’être humain et de ses penchants les plus abjectes. Et il est tristement impossible désormais de se rendre dans certains endroits de l’état. Ceux-là même qui vous font sortir de tout sentier battu et vous rendent votre caractère intrinsèque d’aventurier.
Je suis heureuse et fière d’avoir traversé cet état seule en 2021, d’avoir pu rencontrer un peuple extraordinaire et une nature incroyablement préservée. Je suis heureuse et fière d’avoir dormi isolée dans le parc de Las Nubes, aujourd’hui fermé et sous interdit. Je suis heureuse et fière d’avoir traversé illégalement la frontière du Guatemala à Flor de Café sous les rires des habitants, de m’être perdue sur les routes non pavées, d’avoir marché sous les cris des singes hurleurs de la jungle Lacondona ou d’avoir patienté de longues heures sur les rives du rio Lacantùn.
Ma vie scolaire étant terminée, je veux m’évader durant les derniers jours qui me séparent de mon retour à la sécurité douce du pays d’Auge. Je m’apprête à vivre une expérience spirituelle incroyable le 24 décembre en participant au rituel maya d’un témazcal en présence d’un chaman. Le terme vient de la langue nahuatl. « Tetl » signifie pierre, « mazitli » chaude et « Calli » maison. On peut donc le traduire littéralement par la maison des pierres chaudes, maison de vapeur, ou tente de sudation. Les Indiens Mayas utilisaient ce rituel afin de se purifier le corps et de se fortifier l’esprit.
Aujourd’hui, il est formellement déconseillé de se rendre certaines parties du Chiapas et d’emprunter les routes non principales en raison de la violence et des risques d’enlèvements ou pire… Alors en ce jours de Noël, je retourne d’abord sagement sur les hauteurs du canyon del Sumidero empruntant les routes principales. Sumidero est bien sûr un lieu impressionnant mais il y a également beaucoup de monde. Je fuis… et je me rends aux cascades et grottes d’El Chorreadero, lieu plus confidentiel et fréquenté uniquement par les familles mexicaines. Je suis donc seule mais observée 😉 Au retour, je décide de prendre le risque de remonter à San Cristobal par les routes de montagnes. Je passe le point de contrôle de l’armée, cheveux remontés et casquette sur la tête, j’embrasse la magnifique route des villages Tzotzils.
Le lendemain, puisqu’il ne m’est permis que certains endroits, je roule vers le Sud, à travers les champs de canne à sucre, pour rejoindre les splendides cascades d’El Chifflon. Rive droite empruntée en 2021, je choisi d’arpenter la rive gauche tenue par les Indigènes et donc peu fréquentée. 200 kilomètres, 6h30 aller-retour, la beauté et l’évasion ont un prix.
Je quitte San Cristobal le 28 décembre, au lever du soleil, sous la lune pleine, et je prie pour le Salut de la ville et de la terre du Chiapas.
Viva Chiapas ! Viva Chiapas libre !
les bonnes adresses
Mexico
Musée Tamayo 💚
Musée national d’anthropologie 💚
Chateau et Parc de Chapultepec 💚
Musée d’art moderne 💚
Palacio del bellas artes
Restaurant Yug Vegetariano 💚
Pastelería Mallorca 💚
Mercado Roma 💚
Chalet Del Carmen 💚
Café Carmelina 💚
Mercado de Coyoacan 💚
Mercado de Comida 💚
El Kiosko
Parroquia San Juan Bautista
San Cristobal de Las Casas
La Casa Del Pan 💚
La Enseñanza, Casa de la Ciudad 💚
Panaderia artesanal Roots
Musée de la médecine maya 💚
Ecole de cuisine El Tzitz 💚
Posada del Abuelito 💚
Mercado Municipal 💚
Cacao Nativa 💚
Qui m’équipe pour mes aventures ? Espace Montagne – Rouen
Qui me fournit une trousse complète de secours ? La Pharmacie des Pommiers – Cambremer
Michel
dit :Juliette
Je viens de lire ton post sur ton voyage au mexique et je suis tombé sous le charme de ton écriture fluide.
Comme tu me l’as dit, effectivement tout cela pourrait être édité, car en quelques lignes tout y est : l’aventure, la découverte de lieux emblématiques, truffées de références historiques, sociologiques … Toutes tes impressions de voyage, tes réflexions, et tes photographies sont suffisamment explicites pour accompagner un lecteur dans ce road-trip. Merci beaucoup Juliette de nous faire partager toutes tes aventures. Elles nous permettent en quelques minutes d’être projeté en dehors de notre cadre habituel. Prends bien soin de toi Juliette. Avec toute l’amitié des bergers , Michel et Sylvie. Bisous de nous deux.